lundi 13 octobre 2008

L’impact de la crise financière en Amérique

La crise du crédit hypothécaire aux États-Unis fait les manchettes de la rubrique économique de tous les grands quotidiens depuis plusieurs mois déjà. Toutefois, l’effondrement des cours des grandes places boursières de la planète auquel on assiste depuis deux semaines, démontre clairement que la crise en cours n’est point circonscrite aux seuls États-Unis.


Un peu partout dans le monde, les banques et institutions financières ont, avec la complicité des États, dérèglementé le marché des prêts hypothécaires et du crédit. Cette dérèglementation aura permis aux banques de prêter encore plus de capitaux, à des taux d’intérêt encore plus élevé, à des individus qui n’avaient tout simplement pas les moyens d’accéder à la propriété. Ainsi, des gens sans aucun capital ont pu se permettre d’acheter de somptueuses demeures sans qu’ils n’aient à effectuer la moindre mise de fond, alors qu’il n’y a encore pas si longtemps encore, les banques exigeaient, pour consentir une hypothèque, que l’acheteur dispose d’au moins 10% de la valeur de la propriété. De plus, pour faciliter le remboursement de ces emprunts, les institutions financières ont étalé les paiements des emprunteurs sur 40 ans au lieu des traditionnels 20-25 ans.


Question de rassurer les acheteurs et possiblement pour se rassurer eux-mêmes, les institutions financières impliquées dans les prêts à haut risque ont laissé entendre que la valeur des maisons continuerait de croitre de façon ininterrompue ce qui permettrait à l’acheteur de rentabiliser son investissement à plus ou moins long terme. Faisant preuve d’une fois quasi aveugle dans le libre marché, presque tous ont oubliés que la croissance économique est quelque chose de cyclique…


En tant que voisin et partenaire commercial du géant américain (80% des exportations canadiennes vont vers les USA), on aurait pu croire que l’économie canadienne serait frappée de plein fouet par cette crise dont l’épicentre est si près de nous. Étonnamment, l’économie canadienne s’en sort relativement bien. Bien que la plupart des grandes banques canadiennes aient enregistré des pertes au cours des derniers trimestres, on est loin du désastre financier auquel on assiste aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe. Aucune banque canadienne n’a jusque là fait appel au gouvernement pour se sortir du pétrin. En général, le taux de chômage demeure bas et on enregistre encore un mouvement de création d’emplois dans plusieurs régions du pays. Toutefois, la crise n’est pas sans conséquences puisque des millions d’épargnants canadiens essuient d’importantes pertes financières et bon nombre de retraités ont vu fondre leur caisse de retraite en même temps que s’écroulaient les index boursiers.


Si le Canada s’en sort aussi bien, ce n’est pas en raison d’une quelconque clairvoyance de la part de son gouvernement et de ses institutions financières, mais plutôt en raison de son traditionnel manque d’audace. En matière de législation et de règlementation, le Canada a rarement fait figure d’innovateur et s’est traditionnellement contenté de suivre ou d’imiter ce que faisaient les États-Unis, le Royaume-Uni ou la France dans le cas du Québec. En vérité, les institutions canadiennes étaient sur le point de se lancer dans l’émission de prêts à haut risque, pratique qui semblait très lucrative au sud de la frontière, et le gouvernement était sur le point de leur donner sa bénédiction. Heureusement pour nous, la crise au États-Unis aura frappé avant que les institutions canadiennes n’aient eu le temps de se mettre au diapason des grandes banques américaines.


Pour l'Amérique, cette crise vient sonner la fin de la récréation, c’est-à-dire la fin de cette croissance factice alimentée par la surconsommation et l’accès facile au crédit. Avec le crédit qui se resserre, la récession économique qui menace de s’étendre avec son cortège de pertes d’emploi et de misères en tout genre, les gens réalisent qu’ils ne peuvent plus continuer à vivre au-dessus de leurs moyens et à se procurer tous les gadgets qu’on leur propose. Ainsi, des valeurs que l’on croyait d’un autre âge telles que la frugalité et l’épargne devraient retrouver la faveur populaire.


Comme le mentionnait à juste titre le grand intellectuel français Jacques Attali, cette crise du crédit hypothécaire représente une grande victoire pour l’économie de marché, même si elle peut, à certains égards, sembler en annoncer la fin. Comme on peut le constater, les architectes de ce désastre financier s’en tire à très bon compte et c’est l’État, donc monsieur madame tout le monde, qui payera pour renflouer les institutions qui, il n’y a pas 3 mois de cela, se faisaient les chantres de la dérèglementation et de la non-intervention de l’État dans l’économie.


D’Iberville

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