mardi 10 juin 2008

Que reste-t-il de Mai 68?

Depuis plus d’un mois déjà, partout en Occident, on commémore le cinquantième anniversaire de Mai 68 et du mouvement de contestation d’une jeunesse qui voulait alors changer le monde. Bien que le Canada ne fût, en 1968, le théâtre d’aucune manifestation de très grande envergure, le pays ne demeura toutefois pas imperméable au fort courant de contre-culture qui balayait alors les États-Unis et l’Europe. Il semble à cet effet que des dix provinces canadiennes, c’est la province de Québec qui allait être la plus réceptive aux idées de changement.

Mai 68 au Québec

À partir de 1959, le Québec amorça ce que l’on a appelé la Révolution Tranquille. Cette « Révolution » fût en fait une gigantesque entreprise de décléricalisation et de modernisation de la société qui s’effectua à vitesse grand V et qui, littéralement, allait faire évoluer la province d’environ un siècle en l’espace de 10 ans.

Emportés par ce courant de changements et sans doute influencés par les manifestations étudiantes qui se déroulaient ailleurs dans le monde, les jeunes Québécois allaient à leur tour se faire entendre. En octobre 1968, les étudiants des collèges d’enseignement généraux et professionnels (CÉGEP) laïques qui étaient, depuis peu, venus remplacés les collèges classiques dirigés par des congrégations religieuses, décidèrent d’occuper ces mêmes établissements dans le but de contester l’autoritarisme de l’éducation de l’époque. Animés par des idéaux d’égalité et de justice sociale, les étudiants québécois réclamèrent alors une plus grande démocratisation de l’éducation qui était considérée jusque là comme élitiste, ainsi qu’une participation accrue des jeunes dans la vie académique et dans la gestion des institutions d’enseignement supérieur.

Ces revendications étudiantes qui peuvent, avec le temps, sembler quelque peu puériles, furent, en réalité, une véritable bougie d’allumage qui allait activer le militantisme pour toute une myriade de causes telles que l’émancipation des femmes, le refus de la société de consommation, les luttes ouvrières ou encore le mouvement pour l’indépendance du Québec. Le mouvement de revendication des étudiants fût donc, en quelque sorte, un véritable catalyseur de changement.

50 ans plus tard

Depuis quelques années déjà, on parle beaucoup de l’immobilisme québécois qui serait en fait l’incapacité de la société québécoise à évoluer, à se moderniser, à se renouveler. Toutefois, on a tendance à l’oublier, mais le Québec de 1968 était une société très jeune où la moitié de la population avait alors moins de 20 ans. 50 ans plus tard, la pyramide des âges s’est inversée et l’âge médian des Québécois est maintenant de plus de 40 ans. Comme on sait, le conservatisme croît avec l’âge…

En dépit des considérations démographiques, on peut se demander ce qu'il reste au juste de cette époque de revendications? Évidemment, force est de constater que 50 ans après les évènements décrits plus tôt, les revendications des jeunes se font maintenant plutôt rares. Les manifestations étudiantes que l’on voit depuis plusieurs années ne sont désormais l’œuvre que de quelques agitateurs barbus, souvent des fils de bourgeois en mal de vivre qui revendiquent, au nom de quelques notions de marxisme mal comprises, la gratuité de l’éducation supérieure. Mise à part ces quelques casseurs, la très grande majorité des jeunes se sont éloignés des grands idéaux collectifs et cherchent désormais, chacun de leur côté, à assurer leur petit bonheur individuel en amassant les plaisirs et les gratifications immédiates.

En regardant ces étudiants de 1968, je ne peux m’empêcher de les trouver beaux et de les envier. J’aurais aimé également faire partie de quelque chose de grand, de noble et d’avoir pu, avec mes camarades étudiants, utiliser toute la fougue et l’idéalisme de nos 20 ans pour modeler le monde tel que nous le rêvions alors.

Je constate que nous avons, quelque part, au cours des 50 dernières années, perdu cette croyance en la capacité de la jeunesse et des gens en général de transformer la société et ses institutions pour qu’elles reflètent les valeurs qui lui sont chères; cette croyance qui veut que les choses peuvent changer et évoluer dans la mesure où l’on se donne la peine de s’investir dans une cause, bref, cette croyance qui veut qu’il nous est possible de changer le monde et de le rendre meilleur.

D’Iberville

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