samedi 12 avril 2008

Nicolas Sarkozy ou l’illusion du renouveau en France

L’élection à la présidence de Nicolas Sarkozy le 6 mai 2007 a été sentie en Amérique du Nord comme un vent de fraîcheur venant d’un pays d’où l’air frais se fait rarement sentir depuis trente ans.

La France vue des Amériques


De l’Amérique, la France est perçue, depuis un bon moment déjà, comme un pays sclérosé, rongé par les privilèges et embourbée dans des façons de faire qui n’ont pas évoluées depuis déjà trop longtemps. Le taux de chômage y demeure l’un des plus élevé des pays industrialisés, notamment chez les jeunes. Récemment, on a vu les plus grandes fortunes de France (pas seulement Johnny Hallyday) quitter le pays à cause d’un système de taxation qui ne semble pas permettre l’enrichissement nécessaire à l’entreprenariat et l’innovation.

Également, depuis plus d’une dizaine d’années, on assiste à des hordes de jeunes Français qui quittent l’Hexagone pour aller poursuivre leurs études en Angleterre aux États-Unis ou encore au Canada et qui, dans bien des cas, ne souhaitent pas y retourner étant donné le peu d’opportunités qui leurs sont offert à la maison. À tort où à raison, la France nous apparait comme une société de classe où la mobilité sociale et l’intégration de nouveaux venus y est quasi impossible alors qu’en Amérique du Nord, la mobilité sociale et l’intégration des immigrants sont au cœur même de notre mythologie (le rêve américain).

Bien que la France soit toujours une grande nation industrielle qui a donné lieu à des accomplissements technologiques majeurs au cours des dernières années, qu’on pense au TGV, à la fibre optique, aux fusées Ariane ou à l’Airbus A380, elle demeure toutefois associée, dans nos esprits, à un mode de vie traditionnel et raffiné, aux châteaux de la Loire et aux Trois Mousquetaires. Je soupçonne que c’est cette France du vin, du Louvre, de Marcel Marceau et d’Édith Piaf que cherchent et voient la très grande majorité des millions de touristes qui visitent le pays chaque année.

Malheureusement, la France n’est plus ce qu’elle a été aux 17, 18 et 19e siècles, c’est-à-dire une référence mondiale, un pays regardé avec envie par le reste du monde et perçu comme un phare de civilisation et de modernité.

Le choc Sarkozy

L’arrivée de Sarko dans le paysage politique français fut un changement radical en soi. Ne serait-ce qu’au niveau de l’image, le nouveau président de la République se distinguait tellement de ses prédécesseurs, de vieux bureaucrates rigides et froids qui par leur allure cadavérique et leur verbiage dépouillé de toute substance, ne distillaient généralement qu’arrogance et ennui.

Au contraire, Mr. Sarkozy dégageait une image jeune et énergique. Par ses très médiatisées séances de jogging, par ses prises de position très tranchées et par ses critiques des traditionnelles façons de faire en France, le nouveau président donnait l’impression que de grands changements étaient sur le point d’avoir lieu.

En fait, les premiers pas de Sarko en tant que président étaient forts encourageants. Dès son élection, il mit sur pied un cabinet intéressant de par son éclectisme et par le fait qu’il faisait une place de choix aux femmes et aux minorités ethniques. Sarkozy entama également une bataille contre les privilèges de certains corps de métier dans le but d’accroître la flexibilité du travail. En août 2007, Sarko allait mettre sur pied la « Commission pour la libération de la croissance française » (CLCF) présidée par l’intellectuel hyperactif Jacques Attali et qui avait pour mission d’accroître le dynamisme et la mobilité de l’emploi en France. Sarkozy ponctuait ses discours de toute une série d’expressions peu utilisées par ses prédécesseurs tels que « flexibilité du travail », « faciliter l’embauche», « temps supplémentaire », « enrichissement », « stimuler l’innovation » et « entreprenariat ». Autre changement important, le nouveau président démontra un fort intérêt envers un rapprochement avec les États-Unis dont il est un admirateur avoué.

Vu des Amériques, Sarko avait l’air de dire aux gens que la France se devait d’entrer dans le XXIe siècle et que pour ce faire, il fallait apporter à la dynamique sociale, des changements importants sans quoi le pays serait rapidement relégué au rang de nation de deuxième ordre. Pour se convaincre de l’enthousiasme que son arrivée a provoqué ici, il suffit de voir la très longue ovation reçu par le Président lors de son discours devant le Congrès américain en novembre dernier : http://fr.youtube.com/watch?v=nlHoMsBvV8Y.

Des changements?

Près d’un an après son élection, Sarko est toujours aussi omniprésent dans les médias du monde. Toutefois, il semble que ce soit moins en raison des changements qu’il a apporté à la société française (si changement il y a..), mais plutôt à cause de ses frasques et de sa vie amoureuse mouvementée. Bien que le Président continue de donner l’impression qu’il sait où il va et qu’il est toujours en parfait contrôle de la destinée de la nation (il semble vouloir s’occuper personnellement de tous les dossiers, ex : l’affaire Bétancourt ou celle du Ponant) il apparaît que bien peu de choses aient réellement changées dans l’Hexagone. Les mesures pour stimuler la croissance économique, diminuer la bureaucratie, réduire le chômage et abolir les privilèges de certains corps de métier (ex : les cheminots) semblent être tombées à plat. De toute évidence, le rapport de la Commission Attali a été tabletté et relégué aux calendes grecques. Ici, nous n’entendons plus parler des nombreux projets de réforme proposés par Sarko, mais que de ses coups de gueule, de ses empoignes avec des citoyens et de ses voyages autour du monde avec Mme Bruni. Sarkozy ne serait-il donc qu’une image sans contenu? Il est peut-être encore trop tôt pour l’affirmer, mais c’est tout de même de mauvais augures…

Ainsi, il semble que nous devrons encore patienter pour assister à de grands changements en France. Si le passé est garant de l’avenir, il faudra probablement des émeutes, des catastrophes et, sans doute, une révolution pour qu’un nouvel ordre y soit établi. L’Histoire de ce pays semble indiquer qu’une adaptation progressive au changement y est impossible, une approche que nous, Nord Américains, privilégions et qui, je crois, nous a jusqu’ici bien servi.


D'Iberville

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